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Trump au charbon!

le mercredi 29 mars 2017 dans Environnement, Géopolitique, Risques, Société | 0 commentaire

La Une de Libération du vendredi 31 mars

La fin du Clean Power Plan?

Comme promis, Donald Trump s’attaque au démantèlement du Clean Power Plan mis en place par l’administration Obama. Sans faire une seule fois référence au changement climatique, le président a affirmé sa volonté de relancer l’économie et lutter contre le chômage grâce aux énergies fossiles, en particulier le charbon. Il a ainsi signé un «Décret sur l’indépendance énergique» au siège de l’Agence de protection de l’environnement (EPA) dont le directeur nommé par Trump est le climato-sceptique Scott Pruit.

Le Temps note que

“Le décret s’en prend aux «obstacles inutiles» pour l’emploi, et prévoit notamment un réexamen du «Clean Power Plan» de Barack Obama, dont le but est d’accélérer la transition énergétique en imposant aux centrales thermiques des réductions des émissions de CO2 de 32% d’ici 2030 par rapport au niveau de 2005. Un plan actuellement bloqué par la justice. Une trentaine d’Etats, majoritairement républicains, s’y sont opposés. Si le plan entrait en vigueur, cela signifierait la fermeture de centrales à charbon, ce que Donald Trump veut précisément éviter. Ces centrales, dont certaines sont vétustes et polluantes, fournissent encore un tiers de l’électricité des Etats-Unis. A égalité avec le gaz naturel et devant le nucléaire et l’hydroélectricité.”

 

Trump a affirmé: «Nous adorons les mineurs du charbon, des gens fantastiques», et promet de leur «redonner du travail»«Nous produirons du charbon américain pour faire fonctionner les industries américaines», a-t-il ajouté.

Toujours selon Le Temps,

L’EPA est directement visée par le projet de budget 2018 du président américain et en est même une des principales victimes. Donald Trump entend l’amputer de 31% de ses fonds, l’équivalent de 2,6 milliards de dollars. Un cinquième des employés, 3200 postes, risquent de passer à la trappe. La participation américaine aux programmes de l’ONU liés à la lutte contre le changement climatique, comme le Fonds vert de l’ONU pour le climat, pourrait également être supprimée. De quoi donner des sueurs froides aux défenseurs du climat. Donald Trump a déjà, toujours au nom de l’emploi, décidé de relancer les projets de deux oléoducs contestés bloqués par son prédécesseur, le Keystone XL et le Dakota Access Pipeline. Le feu vert pour Keystone XL remonte à vendredi.

Dessin de Herrmann, Tribune de Genève, 29 mars 2017.

Le charbon aux Etats-Unis

 

Une mine de charbon désaffectée dans le Kentucky

 

Le Clean Power Plan ne mettait de loin pas l’avenir du charbon aux Etats-Unis en danger. Les projections de l’agence américaine de l’énergie AEI montrent que si le gaz naturel a dépassé le charbon comme énergie utilisée pour produire de l’électricité, son futur reste assuré comme source importante. Un grand nombre de centrales devront être fermées car polluantes, coûteuses et obsolètes. Cependant de nouvelles centrales “clean-coal” pourraient voir le jour.

 

L’enjeu en terme d’emplois est variable suivant le type de charbon et la région d’exploitation. Les Appalaches, qui ont majoritairement voté Trump, sont particulièrmement touchées.

 

 

«ALLEZ VOUS FAIRE ENFUMER»

 

Tel pourrait être le cri de ralliement des amateurs de rolling coal (« rouler au charbon»). L’objet de leur bonheur ? Trafiquer leur pick-up afin que les pots d’échappement exhalent dans l’atmosphère des colonnes de fumée le plus opaques et asphyxiantes possible. Dans les États ruraux américains, où l’engagement de l’ancien président Barack Obama à réduire les émissions de gaz à effet de serre tient lieu de provocation, certains dépensent plusieurs milliers de dollars afin de rendre leurs véhicules plus polluants. Une fois cet aménagement réalisé, un commutateur caché sous le tableau de bord commande l’injection additionnelle de gazole dans le moteur. Dès lors le conducteur peut exprimer son opinion en relâchant un panache noirâtre lorsqu’il double un groupe de cyclistes, de joggeurs ou, pis, une Toyota Prius : son propriétaire expie aussitôt dans les gaz suiffeux de l’enfer le double péché d’acheter japonais et de rouler électrique.

Pierre Rimbert dans le dernier numéro de Manière de voir  (“L’engrenage identitaire”, #152 • avril – mai 2017), montre que l’écologie peut devenir une cible et le charbon un objet de dévotion. Et par delà l’enjeu écologique se dégage une question identitaire et d’affirmation d’appartenance dans une Amérique déboussolée.

Rouler au charbon, «c’est une manière pour ces hommes –la plupart blancs, ouvriers et ruraux– d’adresser un message intrusif et méchant aux gens qu’ils n’aiment pas», explique la sociologue Lisa Wade (Thesocietypages.org, 23 juillet 2014). C’est clamer la prééminence des droits individuels, du moins les derniers qui restent à portée de main, sur les normes collectives.

Les rouleurs ont leurs sites, comme Triple-X Diesel Nation, soustitré «Let the coal roll » (que roule le charbon), leurs rendez-vous et même leur émission de télé-réalité, «Diesel brothers », sur Discovery Channel. Pour 16,99 dollars, le site Redneck Nation propose une panoplie de tee-shirts rarement portés sur le campus de Berkeley ou dans les rues de New York : Trump. Finally someone with balls («Trump. Enfin quelqu’un qui a des couilles »), Mud and coal, that how we roll («Boue et charbon, c’est comme ça qu’on roule»).

Si le phénomène s’est amplifié au cours du second mandat de M.Obama, les fans de gros cubes se réunissent depuis des décennies pour assister aux compétitions de tractor pulling au cours desquelles un tracteur équipé d’un moteur surdimensionné tire le plus loin possible une remorque lestée de béton. Vieille de deux siècles, cette pratique servait naguère à départager les plus puissants chevaux de trait d’un comté. «Nous tirons pour exprimer nos motifs de fierté, explique le président de la Ligue des tracteurs de l’Illinois. Et la fumée en fait partie (Hiroko Tabuchi, «“Rolling coal”, as a protest or a prank, brings smokey in pursuit », The New York Times, 5 septembre 2016). »

 

 

Et le climat dans tout ça?

 

Le New York Times a montré en janvier comment l’année 2016 a battu les records de température (“How 2016 Became Earth’s Hottest Year on Record“):

Un graphique interactif permet de visualiser outes ces données de manière intuitive (voir sur le site)

 

 

Et les risques dans tout ça?

 

Le quotidien Les Echos du 29 mars 2017 chiffre, avec le réassureur Swiss Re, le coût des catastrophes de 2016 pour les assurances.

Les 327 événements catastrophiques survenus l’an dernier dans le monde ont occasionné pour 175 milliards de dollars (161 milliards d’euros) de dommages économiques, selon des données publiées mardi par le réassureur Swiss Re. C’est presque deux fois plus qu’en 2015 (94 milliards d’euros). […] Cela tient au « grand nombre d’événements assez importants, incluant des séismes, des tempêtes, des inondations et des feux de forêt dans toutes les régions ».Plusieurs de ces catastrophes se sont par ailleurs produites dans des régions fortement assurées – en particulier les Etats-Unis –, d’où la progression de 42% des dommages assurés d’une année sur l’autre. Il n’en reste pas moins que le déficit de protection, c’est-à-dire la part des dommages économiques non couverts par les assureurs, reste très élevé, à 121 milliards de dollars en 2016. […]
Environ 20 % seulement des dommages économiques causés par le séisme d’avril sur l’île japonaise de Kyushu étaient couverts par l’assurance. En Italie, où seules 1 % des habitations sont couvertes contre le risque de séisme, les tremblements de terre d’août et d’octobre n’ont laissé que 200 millions d’euros de facture pour les assureurs. […]
Les assureurs présents aux Etats-Unis auront une nouvelle fois payé un lourd tribut aux catastrophes naturelles, entre l’ouragan Matthew, qui a aussi dévasté les Caraïbes (4 milliards de pertes assurées), les tempêtes et inondations en Louisiane (3,1 milliards), ainsi qu’une tempête de grêle au Texas (3milliards).

Sans pouvoir lier automatiquement ouragans et inondations avec le changement climatique, il reste cependant évident que le réchauffement envisagé aura des conséquences financières importantes. Les coupes budgétaires de l’administration Trump dans la recherche scientifique et les agences environnementales se paieront probablement un jour où l’autre, dans des dimensions bien plus importantes. Malgré ses discours populistes…

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