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L’interdiction française du burkini vue de l’étranger

le jeudi 25 août 2016 dans Espace, Société | 0 commentaire

Sans vouloir rentrer dans les considérations et arguments pour ou contre l’interdiction du burkini (même si le lien avec la géographie est évident dans la mesure où il s’agit de questions d’intégration/ségrégation et d’espace public), ce petit article reprend un inventaire réalisé par Libération des réactions des pays étrangers et leurs médias, allant de l’approbation au rejet catégorique, dont voici des extraits (“A l’étranger, entre ironie et incompréhension“, par Isabelle Hanne , Lilian Allemagne et Dounia Hani, Libération, 25 août 2016):

“Le tabloïd britannique Daily Mail a publié mardi un article qui précise que «l’interdiction du burkini en France menace de tourner à la mascarade» -, accompagné de cinq images qui, depuis, sont devenues virales.

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http://www.dailymail.co.uk/news/article-3754395/Wealthy-Algerian-promises-pay-penalty-Muslim-woman-fined-France-wearing-burkini.html?ito=social-twitter_mailonline#ixzz4IC0GOdOz

La BBC n’est pas en reste, qui ironisait discrètement, après l’arrêté municipal niçois mi-août : «Les autorités devront faire la distinction entre les nageurs en burkini et ceux en combinaison de plongée.» Un édito du conservateur Telegraph affirme, lui, que «les interdictions du burkini sont un acte de fanatisme insensé».

En Italie, où les commentaires vont plutôt dans le sens de l’interdiction du burkini, la philosophe Donatella Di Cesare affirme, dans le Corriere della Sera, que «couvrir une femme, c’est piétiner la dignité de toutes», et que le burkini est l’instrument d’un «isolement mortifiant».

En Allemagne, où vivent plus de 4 millions de musulmans, dans un contexte électoral de poussée du parti populiste, c’est la proposition d’une partie des conservateurs d’interdire le niqab et la burka qui occupe les journaux. Pas le burkini. «Montrer sa peau est une décision personnelle, écrit la Süddeutsche ZeitungChaque femme doit pouvoir s’allonger à la plage comme elle le veut : en bikini, en string, ou même en burkini.»Dans le pays, la question du burkini se pose régulièrement, notamment dans les piscines publiques. Et à chaque fois, le vêtement est présenté par la majorité des commentateurs comme un «compromis possible» entre liberté de religion, mixité et obligation de scolarité (pour les mineures à qui on apprend à nager). C’est sur le site du Zeit qu’on peut lire la critique la plus dure envers les interdictions prises par les maires français. Pour l’hebdomadaire, c’est du racisme pur et simple : «Lorsqu’on ne peut pas interdire ces personnes, alors on interdit leurs habits pour les rendre invisibles, au moins dans certains lieux. […] Cela détruit bien plus les valeurs d’une société libre que ça ne la protège. Car que vaut une liberté dont il faut prendre soin tous les jours si je ne peux pas choisir tout seul comment je m’habille ?»

Au Maghreb, les réactions sont assez contrastées (Algérie Focus titre par exemple «Burka et burkini, une provocation inutile en France», et plaide pour que l’ensemble des musulmans se plient au mode de vie occidental), ce n’est pas le cas des autres pays arabo-musulmans, qui font front commun pour dénoncer «le racisme de la France» (dixit Youm7, site d’info égyptien). La chaîne qatarie Al-Jezira s’est même rendue sur une plage de Cannes pour y faire un reportage.

Le lien vers le reportage d’Al-Jazira (25 minutes, quand même. Et l’occasion de se régaler de ze frenche accent in ingliche!):

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http://players.brightcove.net/665003303001/SJg0bzqkZ_default/index.html?videoId=5087106237001

En août 2015, l’hebdomadaire Jeune Afrique décrivait dans un reportage l’évolution des plages algériennes, entre bikinis et burkinis:

“Ces scènes de femmes voilées cantonnées sur la plage résument bien les nouvelles habitudes. Le boom de l’automobile et la relative accalmie sécuritaire poussent des milliers d’Algériens vers la mer à la belle saison. Si les sorties sont familiales, ce sont surtout les hommes et les enfants qui profitent des joies de la baignade. Les femmes, elles, restent au bord et bénéficient de la fraîcheur des rivages seulement en trempant leurs pieds dans l’eau. Seules quelques téméraires s’y aventurent tout habillées. […]
Les plages, bondées, sont fréquentées majoritairement par les hommes venus de l’intérieur du pays. Il y a trois choses qu’il est inutile de chercher ici : un bar-restaurant servant de l’alcool, un touriste étranger et une femme légèrement vêtue. Les bords de mer sont à l’image d’une société de plus en plus gagnée par un islamisme plus social que militant.
Si Jijel passe pour une ville prude et conservatrice, Béjaïa, sa voisine, cultive volontiers une réputation – non usurpée – de tolérance et d’ouverture. L’alcool y coule à flots, les cabarets sont ouverts jusqu’au petit matin et les plages sont encore fréquentées par des femmes en bikini. Dans les rues de cette ville cosmopolite, une fille en minijupe ne déclenche pas d’émeutes comme ce serait le cas dans certaines régions de l’intérieur.
En Tunisie, la guerre des tenues de bain n’est pas encore déclarée, mais les zones balnéaires expriment aussi les fractures du pays. Nantis et démunis se partagent l’espace public, bien que les plus aisés préfèrent l’entre-soi de plages d’hôtels multiétoilés. Tous âges confondus, les femmes y exhibent le dernier maillot à la mode à l’abri des regards inquisiteurs.”

 

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